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BF. CHAMFOËT. 289

province , à la campagne , partagé entre l'amitié, im jardin et une bibliothèque. C'est presque le seul temps de ma vie, que je compte pour quelque chose. •

La mort seule de la compagne de ma solitude pouvait me rappeler dans le désert bruyant de la capitale. Je ne finiiais pas si je vous parlais de ce que j'ai perdu. C'est une source éternelle de sou- venirs tendres et douloureux. Ce n'est qu'après six mois que ce qu'ils ont d'aimable a pris le des- sus sur ce qu'ils ont de pénible et d'amer. Il n'y a pas deux mois que mon âme est parvenue à se soulever un peu, et à soulever mon corps avec elle. C'est au mois de septembre dernier que j'ai fait cette cruelle perte ; un ami est venu m'arra- cher en chaise de poste de ce séjour charmant , devenu désormais horrible pour moi. De là, j'ai été replongé dans le genre de vie auquel j'étais enfin parvenu à me soustraire , après deux ans de soins et de prétendus sacrifices qui n'en étaient pas pour moi. L'amitié de M. le comte de Vaudreuil, qui s'était fort accrue depuis deux ans , est deve- nue une véritable tendresse, et a beaucoup con- tribué a soulager une partie de mes peines. Il m'a forcé d'accepter un logement chez lui , et a su me le rendre aimable. Il s'occupe essentiellement de ma fortune qui, depuis votre départ et avant ma retraite, a échoué trois fois: deux fois par des évé- nemens imprévus, et la troisième par mon fait, c'est à dire, en refusant ce qui ne me convient pas,

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