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DE CHAMFORÏ. .i^a

qu'il ne pouvait y en avoir, puisqu'elle avait plusieurs années de plus que moi ; mais il y avait plus et mieux que de l'amour, puisqu'il exis- tait une réunion complète de tous les rapports d'idées, de sentimens et de positions. Je m'ar- rête ici , parce que je sens que je ne pourrais fi- nir. Je l'ai perdue après six mois de séjour à la campagne , dans la plus profonde et la plus char- mante solitude. Ces six mois , ou plutôt ces deux ans, ne m'ont paru qu'un instant dans ma vie. Mais le bonheur d'être loin de toul ce que j'ai vu sur cette scène d'opprobres qu'on appelle littérature , et sur cette scène de folies et d'ini- quités qu'on appelle le monde, m'aurait suffi et me suffira toujours, au défaut du charme d'une société douce et d'une amitié délicieuse. L'indé- pendance , la santé , le libre emploi de mon temps , l'usage , même l'usage fantasque de mes livres : voilà ce qu'il me faut , si ce n'est point ce qui me suffit. C'est ce qui m'enlèvera nécessairement le succès que vous avez la cruauté de souhaiter, et qui malheureusement est devenu , depuis ma dernière lettre , encore plus vraisemblable (*). L'âne qui ne veut point mordre son voisin , ni eu être mordu devant un râtelier vide, sera forcé, s'il est changé en cheval bien pansé devant un râtelier plein, de faire quelques courses et de

��( * ) On proposait a Chamfort une place de secrétaire des cgm» ni.andemens à la cour.

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