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DE CHAMFORT. 2^3

qui ne peuvent partager cette fumée , et qui sont jaloux de quelques misérables distinctions , pres- que toujours ennuyeuses et fatigantes , surtout pour moi qui ai tout jugé.

J'ai aimé la gloire , je l'avoue ; mais c'était dans un âge ou l'expérience ne m'avait point appris la vraie valeur des choses , où je croyais qu'elle pou- vait exister pure et accompagnée de quelque re- pos , où je pensais qu'elle était une source de jouissances chères au cœur et non une lutte éter- nelle de vanité ; quand je croyais que, sans être un moyen de fortune , elle n'était pas du moins un titre d'exclusion à cet égard. Le temps et la réflexion m'ont éclairé. Je ne suis pas de ceux qui peuvent se proposer de la poussière et du bruit pour objet et pour fruit de leurs travaux. Apollon ne promet qu'un nom et des lauriers : voilà ce que disait Boileau avec quinze mille livres de rente des bienfaits du roi, qui en va- laient plus de trente d'à présent ; voilà ce que disait Racine , en rapportant plus d'une fois de Versailles des bourses de mille louis. Cela ne laisse pas que de consoler de la rivalité et de la haine des Pradon et des Boyer. Encore ne put-il pas y tenir; et laissait-il, à trente six ans , cette carrière de gloire et d'infamie, qui depuis lui est devenue cent fois plus turbulente et plus avi- lissante. Pour moi , qui, dès mon premier succès, me suis attiré, sans l'avoir mérité le moins du monde , la haine d'une foule de sots et de mé-

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