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DE CHAMFORT. 231

��à paraître inconstante et frivole : ce qui me fait une peine affreuse ; car, dans le fond, je suis très- solide. Et puis les peines attachées à ma place , l'ennui qui me tourmente... — L'ennui , m'écriai-je avec im air étonné ! — Eh ! sans doute. Voyez cette foule importune! et les affaires ! et Tœdiosus, mon ministre , qui m'assomme , à qui j'accorde tout pour m'en défaire! Il est si ennuyeux, que je suis quelquefois tentée de lui céder l'empire ; mais on m'assure que cela aurait des inconvé- niens. — Ne serait-il pas plus simple, lui djs-je, de le renvoyer ? — Le renvoyer , s'écria-t-elle ! cela est impossible ! — Comment! dis-je, il ne s'en irait pas? »Un grand éclat de rire fut la réponse de Fa- veur. « Mon dieu , dit-elle , qde cela est plaisant ! Vous êtes très-aimable ; je prévois que vous me deviendrez nécessaire ? Quand vous verrai-je ?De~ main, je m'imagine, n'est-ce pas? — Madame, on ne vous a jamais fait sa cour pour une fois seulement* — Adieu, dit-elle : ne me manquez point de parole, je compte sur vos soins.» Je la saluai respectueuse- ment, et je me retirai par un escalier qui se trouva sur mon chemin, et qui rendait dans les cours. Je recueillis mes esprits au grand air. Je regrettai de n'avoir pas revu mon garde , pour jouir à ses yeux de ma victoire : tant il est vrai qu'après la vanité vaincue, il reste à vaincre l'amour propre, triomphe plus rare et bien plus difficile, s'il n'est même tout à fait impossible.

Ce fut avec un plaisir bien vif que je me vis

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