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Après un moment de silence,
« Ma fille, dit le pèlerin,
Tu peux jouir de sa présence,
Sans aller au bord du Jourdain.
— Parle, ô mon ange tutélaire !
Fais qu’il paraisse devant moi !
Mon or, mes joyaux, mon douaire,
Toute ma fortune est à toi. »
L’étranger, fourbe autant qu’avare,
Un livre ouvert devant ses yeux,
Feint de lire un jargon barbare
Des secrets émanés des cieux.
— De ton époux l’ombre fidèle
En ces lieux erre nuitamment.
Mais la terreur marche avec elle ;
Un linceul est son vêtement.
— N’importe, exauce ma prière.
Ah ! dussé-je aggraver mon sort ;
Je n’ai pu fermer sa paupière,
Je veux le voir après sa mort.
— Ce soir il promet d’apparaître
Où sont inhumés tes vassaux.
Cours aux pieds du souverain maître,
Former des vœux pour son repos.
Quand la nuit deviendra plus sombre.
Parmi ces tombeaux vas t’asseoir,
Et sans approcher de son ombre.
Qu’il te suffise de la voir. »
Dans sa chapelle solitaire,
Long-temps Hélène, avec ferveur,
Compte les grains de son rosaire,
Ou s’abandonne à sa douleur.