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DE CHAMFORT. 4^

à la nature; mais cela même prépare le déses- poir que montre le vieil Horace dans la scène suivante, lorsqu'il croit que son troisième fiis s'est enfui. • '

Le .poète , dit La Motte , travaille dans im certain ordre , et le spectateur sent dans ini au- tre. Le poète se propose d'abord quelques beau- tés principales sur lesquelles il fonde l'espoir de son succès : c'est de là qu'il part, et il ima- gine ensuite ce q^ui doit être dit ou fait pour parvenir à son but.

Le spectateur, au contraire , part de ce qu'il voit et de ce qu'il entend d abord; et il passe de là aux progrès et au dénoùment de l'action, comme à des suites naturelles du premier état où on lui a exposé les choses.

Il faut donc que ce que le poète a inventé arbitrairement pour amener ces beautés, de- vienne pour les spectateurs le fondement néces- saire dont elles naissent. En un mot, tout est art du côté de celui qui arrange ime action théâ- trale; mais rien ne le. doit paraître à celui qui la voit.

Il y a certains sujets très-beaux, mais d'une difficulté presque insurmontable , parce que leur beauté même tient à quelque défaut de vraisemblance qu'on ne peut éviter : c'est alors que le génie développe toutes ses ressources. L'art consiste à couvrir ce défaut par des beau- tés d'un ordre supérieur.

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