Page:Chamfort - Œuvres complètes éd. Auguis t4.djvu/352

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

Pourrait…

Mowbrai.

Pourrait… De la trahir serais-tu bien capable ?

Betti, à Belton.

Que ne me laissais-tu dans le fond des forêts ?
J’y pourrais sans témoins gémir de tes forfaits.
Dans mon obscur réduit, dans ma grotte profonde,
Savais-je s’il était des malheureux au monde ?
Ah ! combien je le sens, quand tu ne m’aimes plus !
Eh bien ! puisqu’à jamais nos liens sont rompus…
Tire-moi de ces lieux… qu’au moins, dans ma misère,
Mes pleurs puissent couler sur le tombeau d’un père.
Toi, cruel, vis ici parmi les malheureux.
Ils te ressemblent tous, ils te souffrent chez eux.

Belton, se retournant tendrement.

Betti…

Betti.

Betti…Tu m’as donné ce nom que je déteste.
Ce nom qui me rappèle un souvenir funeste,
Ce nom qui fait, hélas ! mon malheur aujourd’hui,
Jadis il me fut cher : il me venait de lui.
À ce nom qu’il aimait, autrefois sa tendresse
Daignait joindre le sien, les prononçait sans cesse ;
Se faisait un bonheur de les unir tous deux ;
Prononcés par ma bouche, ils rallumaient ses feux ;
Son affreux changement pour jamais les sépare.

Mowbrai, à part.

Mon cœur est oppressé…
Mon cœur est oppressé… (À Belton.)
Mon cœur est oppressé… Quoi ! tu pourrais, barbare !…