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Je suis sûr d’Arabelle, et son cœur m’est connu.
Sa réponse pour vous est des plus favorables.
« Ces nœuds, a-t-elle dit, me semblent désirables.
» Mon cœur, depuis six ans, à Belton fut promis ;
» Mes yeux ont vu Belton, et ce cœur s’est soumis.
» Je déplorais sa mort, le ciel nous le renvoie ;
» Mon père a commandé, j’obéis avec joie. »
Mais de cet air chagrin, que dois-je enfin penser ?
L’amitié doit savoir…

Belton.

L’amitié doit savoir…Ah ! c’est trop l’offenser.
Connaissez mon état. La jeune infortunée,
Compagne de mes maux, en ces lieux amenée…
L’homme est fait pour aimer. J’ai possédé son cœur.
Dans un climat barbare elle a fait mon bonheur.
Non, je ne puis trahir sa tendresse fidelle ;
Elle a tout fait pour moi.

Mylford.

Elle a tout fait pour moi. Vous ferez tout pour elle.
Il m’est doux de trouver mon ami généreux ;
Mais mon premier désir est de vous voir heureux.
De l’hymen d’Arabelle observez l’avantage ;
Observez que déjà vous touchez à cet âge,
Où pour un état sûr votre choix arrêté
Doit vous donner un rang dans la société.
Pour vous, par cet hymen la fortune est fixée ;
Et de tous vos malheurs la trace est effacée.

Belton.

Je le sens, vos raisons pénètrent mon esprit.
Sans peine, il les admet ; mais mon cœur les détruit.