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Betti.

La pauvreté ! mais, c’est manquer de tout, je crois ?

Belton.

Oui.

Betti.

Oui.J’en sauvai toujours et toi-même et mon père…
Quoi ! nous pourrions ici manquer du nécessaire ?

Belton.

Non ; mais il ne faut pas y borner tous nos soins.
Nous sommes assiégés de différens besoins ;
Ils naissent chaque jour, chaque instant les ramène ;
Et lorsque par hasard la fortune inhumaine
Ne nous a pas donné…

Betti.

Ne nous a pas donné…Je ne le comprends pas…
Manquer d’un vêtement, d’un abri, d’un repas,
Voilà la pauvreté ; je n’en connais pas d’autre.

Belton.

Voilà la tienne : hélas ! connais quelle est la nôtre.

Betti.

Une autre pauvreté ! vous en avez donc deux ?
On doit dans ce pays être bien malheureux !

Belton.

C’est peu de contenter les besoins de la vie…
Une prévention, parmi nous établie,
Fait ici, par malheur, une nécessité
Des choses d’agrément et de commodité.