Page:Chamfort - Œuvres complètes éd. Auguis t4.djvu/334

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

Belton.

Votre… ta fille !…

Mowbrai.

Votre… ta fille !…Eh ! oui. Tu sembles t’étonner ?
À ton aise, s’entend, ne va pas te gêner.

Belton.

Dès long-temps, en faveur d’un amitié fidèle,
Ta bouche à mon amour promettait Arabelle.
J’aspirais à ces nœuds ; et cet espoir flatteur,
Précieux à mon père, était cher à mon cœur.
Mais je me rends justice, et j’ai trop lieu de craindre
Que mes longues erreurs n’aient dû peut-être éteindre
Cet espoir dont jadis mon cœur s’était flatté.
Je sens que cet hymen, entre nous concerté,
Serait le seul moyen de me rendre à mon père,
Et de m’offrir à lui digne encor de lui plaire.

Mowbrai.

Va, mon cœur est encor ce qu’il fut autrefois ;
Je chéris ton malheur, il ajoute à tes droits.
Oui, tant de maux soufferts, fruits de ton imprudence,
Doivent l’avoir donné vingt ans d’expérience.
Belton, il faut du sort mettre à profit les coups ;
Oublier ses malheurs, c’est le plus grand de tous.
Adieu… Bon ! glisse donc le pied ! la révérence !
(À part.)
Il me fait enrager avec son élégance.
Depuis trois jours entiers que nous l’avons ici,
Il ne se forme pas, il est toujours poli.