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ZÉANGIR.


Gardez de le juger sur un emportement,
d’une âme au désespoir rapide égarement.
Vous savez quel affront enflammait son courage.
On excuse l’orgueil qui repousse un outrage.


SOLIMAN.


De l’orgueil devant moi ! Menacer à mes yeux !
Dès long-temps…
pardonnez, il était malheureux ;
dans les rigueurs du sort son âme était plus fière :
tels sont tous les grands cœurs, tel doit être mon
frère.
Rendez-lui vos bontés, vous le verrez soumis,
embrasser vos genoux, vous rendre votre fils ;
j’en réponds.


SOLIMAN.


Eh ! Pourquoi réveiller ma tendresse,
quand je dois à mon cœur reprocher ma faiblesse,
quand un traître aujourd’hui sollicite Thamas,
quand son crime avéré ? …


ZÉANGIR.


Seigneur, il ne l’est pas :
croyez-en l’amitié qui me parle et m’anime ;
de tels nœuds ne sont point resserrés par le crime.
Quels que soient les garans qu’on ose vous donner,
croyez qu’il est des cœurs qu’on ne peut
soupçonner.
Eh ! Qui sait, si, fermant la bouche à l’innocence…


SOLIMAN.


Va, son forfait lui seul l’a réduit au silence.