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Il revient : ce moment doit décider enfin
et du sort de l’empire et de notre destin.
On saura si, toujours puissante, fortunée,
Roxelane, vingt ans d’honneurs environnée,
qui vit du monde entier l’arbitre à ses genoux,
tremblera sous les lois du fils de son époux ;
ou si de Zéangir l’heureuse et tendre mère,
dans le sein des grandeurs achevant sa carrière,
dictant les volontés d’un fils respectueux,
de l’univers encor attachera les yeux.


OSMAN.


Que n’ai-je, en abattant une tête ennemie,
assuré d’un seul coup vos grandeurs et ma vie !
J’osais vous en flatter : le sultan soupçonneux
m’ordonnait de saisir un fils victorieux,
dans son gouvernement, au sein de l’Amasie.
Je pars sur cet espoir : j’arrive dans l’Asie ;
j’y vois notre ennemi des peuples révéré,
chéri de ses soldats, partout idolâtré ;
ma présence effrayait leur tendresse alarmée ;
et, si le moindre indice eût instruit son armée
de l’ordre et du dessein qui conduisaient mes pas,
je périssais, madame, et ne vous servais pas.


ROXELANE.


Soyez tranquille, Osman ; vous m’avez bien servie :
puisqu’on l’aime à ce point, qu’il tremble pour sa
vie.
Je sais que Soliman n’a point, dans ses rigueurs,
de ses cruels aïeux déployé les fureurs ;
que souvent, près de lui, la terre avec surprise
sur le trône ottoman vit la clémence assise ;