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I G OEUVRES

faire en moins de temps. Il ne va pas se chica- ner lui-même, et il se prête si naturellement à son erreur, pour peu que l'art la favorise, qu'il lui faudrait bien des réflexions pour s'en tirer : tant son impatience est ingénieuse à le séduire. Ainsi l'artifice, joint à la nature, justifie assez la conduite des premiers poètes tragiques, qui n'ont passé que de fort peu la durée de la repré- sentation dans l'espace qu'ils ont donné à l'ac- fion de leurs tragédies.

Je me contente de remarquer, par ce que je viens de dire, la différence exacte des exposi lions du poème épique et de celles des tragédies, afin qu'on distingue nettement ce qu'Eschyle et les tragiques grecs ont emprunté de V Iliade^ et ce qu'ils ont changé quant à l'exposition du sujet. Homère n'a pas été gêné dans la sienne , n'étant que narrateur. Mais les tragédiens ont été obligés d'en ^'ectifier l'art pour l'ajuster à la tragédie: il faut des coups de maître pour exposer heureuse- ment un sujet sur le théâtre ; au lieu qu'il n'est besoin que d'une belle simplicité, qui toutefois est rare, pour commencer un poème épique.

C'est donc un effort d'esprit considérable cfens Eschyle , d'avoir le premier aperçu cette diffé- rence de l'épique et du tragique, en faisant naître l'un de l'autre avec tant d'art que le disciple en ceci l'emporte sur le maître. Apiès cet effort , il lui était bien moins difficile de transporter de l'é- popée à la tragédie , ce qui s'appelle intrigue ou

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