Page:Chamfort - Œuvres complètes éd. Auguis t4.djvu/221

Cette page n’a pas encore été corrigée

DE CHAMFORT. 2l3

cela est juste. On la rallume encore , il la met dans sa poche ; c'est aller loin : mais cela n'est pas peut-être au-delà des bornes du comique. Don Quichotte est ridicule par ses idées de che- valerie , Sancho ne l'est pas moins par ses idées de fortune ; mais il semble que l'auteur se moque de tous deux , et qu'il leur souffle des choses ou- trées et bizarres, pour les rendre ridicules aux au- tres , et pour se divertir lui-même.

La troisième manière de faire sortir le comi- que , est de faire contraster le décent avec le ridi- cule. On A'oit , sur la même scène , un homme sensé, et un joueur de trictrac qui vient lui tenir des propos impertinens : l'un tranche , l'autre le relève. La femme ménagère figure à côté de la sa- vante , l'homme poli et humain à côté du misan- thrope, et un jeune homme prodigue à côté d'un père avare.

La comédie est le choc des travers , des ridi- cules , entre eux, ou avec la droite raison et la dé- cence. Le ridicule se trouve partout : il n'y a pas une de nos actions , de nos pensées , pas un de nos gestes , de nos mouvemens , qui n'en soient susceptibles. On peut les conserver tout entiers , et les faire grimacer par la plus légère addition : d'où il est aisé de conclure que quiconque est vraiment né pour être poète comique, a un fonds inépuisable de ridicules à mettre sur la scène, dans tous les caractères des gens qui composent la société.

�� �