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DE CHOIFORT. 1^1

amour-propre par un sentiment d'autant plus vif du contre - coup , que l'art de la poésie ferme nos yeux sur une surprise aussi avantageuse , et fait à l'humanité plus d'honneur qu'elle ne mé- rite.

On ne peut trop appuyer siu- les beautés de ce qu'on appelle terreur dans le tragique : c'est pour- quoi nous ne pouvons manquer d'avoir une grande opinion de la tragédie des anciens. L'uni- que objet de leurs poètes était de produire la terreur et la pitié ; ils chérissaient un sujet sus- ceptible de ces deux passions , et le façonnaient par leur génie. 11 semble même que rien n'était plus rare que de si beaux sujets , puisqu'ils ne les puisaient ordinairement que dans une ou deux familles de leurs rois.

Mais c'est triompher de l'art que de réussir en ce genre ; et c'est ce qui foit la gloire de Crébillon sur le théâtre français.

Toute belle qu'est la description de l'enfer par Milton , bien des gens la trouvent faible auprès de cette scène de Hamlet , dans • Shakespear , où le fantôme parait : il est vrai que cette scène est le chef-d'œuvre du théâtre moderne dans le eenre terrible ; elle présente une grande variété d'ob- jets diversifiés de cent façons différentes , toutes plus propres l'une que l'autre à remplir les spec- tateurs de terreur et d'effroi. Il n'y a presque pas une de ces variations qui ne forme un tableau , et qui ne soit digne du pinceau d'un Caravage.

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