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I)K CHAMFOIIT. I Sq

Iv'art consiste à déployer le caractère (run per- sonnage et tous ses sentimens , par la iiianière dont on le fait parler , et non par la manière dont ce personnage parle de lui. A-t-il l'âme noble et fière ? que tout ce qu'il dit porte l'empreinte de cette noblesse et de cette fierté ; mais qu'il se garde bien de se vanter de sa hauteur. C'est le défaut de Corneille ; il fait toujours dire à ses héros qu'ils sont grands: ce serait les avihr, s'ils pouvaient l'être. L'opposé de la magnanimité est de se dire magnanime.

Racine n'a jamais manqué à cette règle ; il peint de grandes âmes qui semblent ignorer qu'elles sont grandes. En voici un exemple: Bajazet, en scène avec Atalide , lui déclare qu'il aime mieux mourir que de tromper Roxane , en lui faisant espérer qu'il l'épousera quand il sera monté sur le trône. Il ajoute, pour justifier ce refus :

Ne vous figurez point que, dans cette journ/e , D'un lâche désespoir ma vertu consternée , Craigne les soins d'ini trône où je pourrais monter , Et par un prompt trépas cherche à les éviter. J'écoute trop peut-être une imprudente audace : Mais , sans cesse occupé des grands noms de ma race , J'espérais que, fuyant im indigne repos , Je prendrais quelque place entre tant de héros ; Mais , quelque ambition , quelqu'amour qui me brûle , Je ne puis plus tromper une amante crédule.

Quelle âme que celle qui craint d'être soup*^

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