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DE CHAMPORT. 7

épique , devenir (lominantes dans la tragédie , sans lasser le spectateur , que des mouvemens trop lents ne feraient qu'endormir.

Ce raisonnement , au reste , est fondé sur la nature des passions mêmes. Un homme ne peut soutenir long-temps une violente agitation : la colère a ses emportemens , la vengeance a ses fureurs ; mais leurs derniers éclats sont de peu de durée. Si ces mouvemens résident plusieurs années dans un cœur , ce n'est que comme un feu assoupi sous la cendre ; leur flamme cause un incendie trop grand pour être durable : désir , effroi , pitié, amour , haine même, tout cela , porté aux derniers excès, s'épuise bientôt; la violence. d'une tempête est un présage de sa fin.

Les passions vives et courtes sont donc les vrais mobiles propres à animer le théâtre ; car si ce que je viens de dire est vrai dans la nature , le spectacle qui en est une imitation, doit s'y confor- mer d'autant plus , que les passions , fussent-elles feintes , se communiquent d'homme à homme d'une manière plus soudaine que la flamme d'une maison embrasée ne s'attache aux édifices voisins. Ne sentons-nous pas nos entrailles s'émouvoir à la vue d'un malheureux qui , avec des cris pitoyables , nous expose une extrême misère ? La crainte ne pénètre-t-elle pas jusque dans la moelle des os , quand on voit une ville hvrée à l'ennemi, des vi- sages pâles, des femmes tremblantes, des soldats fu- rieux, et tout l'appareil d'une prochaine désolation >

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