Page:Chamfort - Œuvres complètes éd. Auguis t3.djvu/41

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

précédens, qui peignent sous des couleurs odieuses le sauvage, l’homme de la nature, que d’autres ont vu depuis sous un aspect plus favorable. Bacon disait qu’il fallait recommencer l’entendement humain, entreprise assez pénible après tant de siècles perdus. Il ne serait pas impossible qu’il fallût de même recommencer les observations, première base des idées de quelques philosophes sur la nature humaine, qu’ils représentent comme mauvaise, et faite pour toujours l’être. Le voyage de M. le Vaillant la fait aimer dans sa simplicité la plus grossière. Il rapporte différens traits des Hottentots, qui justifient ses fréquens souvenirs et les retours de sa sensibilité vers ce peuple doux et bon. « Il semble, dit-il, qu’on se soit plu à le calomnier de toutes les manières. » On a dit et répété qu’une mère qui accouche de deux enfans à la fois, en fait périr un sur le champ ; d’abord ce fait est rare, et révolte ces nations. Cette question même a indigné plusieurs de ces sauvages, et ce crime n’a été commis que dans le cas où la mère, craignant de voir périr ses deux jumeaux, s’est vue forcée d’en sacrifier un. — Autre calomnie : en cas de mort de la mère, dit M. Sparmann, il est d’usage d’enterrer vivant avec elle son enfant à la mamelle. C’est ce qui m’a, dit-il, été certifié par des colons. On sait le cas que M. le Vaillant fait de ce témoignage ; mais en le supposant vrai, il en conclut que la mère étant morte d’une fièvre épidémique, comme le