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vm peuple innombrable s'agiter et se répandre à flots dans les places publiques. « Quel est donc disent-ils, ce prodige nouveau ? Quel est ce fléau cruel et mystérieux? Nous sommes une nation nombreuse , et nous manquons de bras î Nous avons un sol excellent, et nous manquons de den- rées! Nous sommes actifs, laborieux, et nous vi- vons dans l'indigence î Nous payons des tributs énormes , et l'on nous dit qu'ils ne suffisent pas ! Nous sommes en paix au dehors, et nos person- nes et nos biens ne sont pas en sûreté au dedans ! Quel est donc l'ennemi caclié qui nous dévore ? »

Et des voix parties du sein de la multitude répondirent : « Elevez un étendart distinctif, au- tour duquel se rassemblent tous ceux qui , par d'utiles travaux , entretiennent et nourrissent la société, vous connaîtrez l'ennemi qui vous ronge.»

E'étendart ayant été levé se trouva tout à coup partagé en deux corps inégaux et d'un aspect contrastant : l'un, innombrable, offrait dans la pauvreté générale desvétemens, etl'air maigre et hâlé des visages, les indices de la misère et du travail ; l'autre, petit groupe, fraction insensible, présentait , dans la richesse des vétemens , et dans l'embonpoint des visages, les symptômes du loi- sir et l'abondance.

Ces deux corps en présence, front à front, s'é- tant considérés avec étonnement, je vis , d'un côté, naître la colère et l'indignation, de l'autre, une espèce d'effroi; et le grand corps dit au plus

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