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tous les jours dans l’assemblée, de lire dans les journaux la liste des dons patriotiques qui attes- taient le noble dévouement d’un grand nombre de citoyens. « On vit, disent les deux historiens que nous avons déjà cité plus d’une fois, on vit l’enfance sacrifier ses jouets, la vieillesse les sou- lagemens si nécessaires à son existence, l’opulence présenter le tribut de ses richesses, l’indigence celui de sa pauvreté, les domestiques dans plu- sieurs maisons particulières se réunir, dans plu- sieurs manufactures les ouvriers se cotiser et donner à l’état une portion de leur faible pécule, quelques-uns même ouvrir une souscription chez un notaire. Enfin une pauvre femme, rencon- trant les députés de son district qui allaient por- ter leur contribution à l’assemblée nationale, vou- lut avoir part à cette œuvre civique, et les con- traignit, à force de prières et de larmes, d’accep- ter la moitié de sa fortune, vingt-quatre sous, et de joindre le denier de la veuve à leurs magnifi- ques offrandes. Tous ces traits de vertu, et il y en eut plusieurs, étaient pour la patrie un trésor plus précieux que les sommes qu’ils produisaient. Ils montraient que les Français, quoiqu’osassent dire les ennemis publics, n’étaient pas indignes de la liberté, malgré l’abîme de vices où la ser- vitude les avait plongés. Nous avons vu, deux ans après, la guerre étrangère et les menaces des despotes provoquer de nouveaux sacrifices consommés avec un nouvel enthousiasme. De