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de se soustraire aux danpers qu’ils craignaient ou qu’ils feignaient de craindre. Le peuple voyait, avec une joie mêlée d’inquiétude, cette fuite pré- cipitée qui, d’une part, attestait sa victoire, ti de l’autre, le menaçait d’une détresse proclia ne, au départ des riches, des propriétaires, des grands consommateurs, enfui de tous ceux qui soudoyent le luxe et l’industrie. Mais quels que fussent les re2[rets de ces honnêtes citadins, la joie l’empor- tait sur la crainte : ils se voyaient délivrés du danger le plus instant. La présence du roi et quelques mots de sa bouche avaient ratifié les premiers actes de la liberté naissante. Plusieurs de ces bourgeois, si récemment citoyens, croyaient de bonne foi la révolution faite ; et la fuite de ’«ux qu’ils désignaient par le nom à’ aristocrates les confirmait dans cette opinion. Ils ignoraient que, parmi les nobles restés à Paris, à Versailles, en France, ou siégeant dans l’assemblée nationale, les plus redoutables ennemis du peuple étaient ceux qui, pour le perdre, paraissaient le servir, et se créaient une renommée populaire, pour vendre plus chèrement à la cour leur déshonneur et la ruine de la nation. Ces cruelles vérités ne pouvaient alors être senties de la multitude. C’est en vain que même on les lui eût révélées ; elle eût continué à ne ranger parmi ses ennemis que les nobles fugitifs qui couraient en Brabant, en Piémont, en Suisse, en Allemagne, promener leur rage impuissante contre les Parisiens qu’ils