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3o6 OEUVRES

OU, s’ils lardaient trop, de se faire sauter en l’air, et d’écraser, disait-il, ses ennemis sous les débris de la Bastille. Deux fois il fut repoussé, au mo- ment où il allait mettre le feu au magasin des poudres.

Cependant le peuple victorieux remplit la for- teresse. La fureur des uns, le courage des autres, cherchent l’odieux gouverneur. Ce ne fut pas sans peine qu’on le découvrit; sans épée, sans uni- forme, un habit ordinaire le dérobait à des yeux qui ne le connaissaient pas. Plusieurs se disputent l’honneur de l’avoir arrêté. Il veut se percer le sein d’une lame à dard que le grenadier Arné lui arrache. Bientôt les braves Elie, Ilulin, l’Epine, Legris, Morin, le saisissent, l’entourent, et de- viennent ses défenseurs contre la fureur géné- rale. Quelques-uns sont même maltraités et bles- sés; en couvrant de leurs corps leur prisonnier, ils ne pouvaient le protéger qu’à demi. On lui ar- rachait les cheveux; on dirigeait des épées contre lui. Il conjurait ses défenseurs de ne pas l’aban- donner jusqu’à l’hotel-de-ville. Il réclamait les promesses de ]\ÎM. Elie et Hulin, ses vainqueurs, et maintenairt ses appuis. Ces deux hommes gé- néreux, épuisés de cette lutte inégale contre l’im- pétuosité populaire, écartés malgré leur force et leur vigueur, et comme emportés par le flot de la multitude loin du malheureux Launay, perdent le prix de leurs efforts. Obligés de s’éloigner un instant, ils voient ce misérable, à qui une rage