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hostiles, accueillis par lui-même, et entrés dans la première cour doiit il a fait baisser le pont-Ie\is, sont accablés de plusieurs décharges de mousque- terie et d’artillerie, tandis que le pont-levis se relt ve pour dérober tout moyen âc fuite à ces infortunés. Cruauté si bassin, si absurde et si irra- tuite, qu’après les premiers mouvemens de fu- reur et d’indignation qu’elle excita, on a soup- çoiuu’ qu’elle pouvait être l’effet de quelque ordre mal donné ou mal entendu, de quelque méprise fatale, plutôt que d’une perfidie préméditée.

Quoiqu’il en soit, ce fut cette horreur qui dé- voua à la mort le malheureux Launay, en rem- plissant les cœurs de cette rage souilaine et sou- tenue qui triompha des efforts et de tous les obstacles. C’est en contemplant cette fureuî’, qu’il donna les marc[ues d’une terreur profonde. Toute présence d’esprit l’abandonna. Il eut pu opposer à la prise du premier pont une résistance plus vigoureuse, en plaçant dans la cour un grand nom- bre de pièces d’artillerie. Cette manœuvre eût fait couler des flots de sang; mais, dans le délire for- cené des combattans, la Bastille n’en eût pas moins été prise. L’inadvertance de Launay ( car ce n’est point à son humanité qu’il faut faire honneur de cet oubli) prévint les horreurs d’un massacre inu- tile. Aj)res avoir vu forcer tous les ponts et tous les postes, il se réfugia dans l’intérieur de ses énormes bastions, et n’eut plus d’autre idée que d’attendre les secours promis par Tvl. de Besenval, II. 20