Page:Chamfort - Œuvres complètes éd. Auguis t2.djvu/270

Cette page n’a pas encore été corrigée

DE CHAMFORT. Bt)

A ces cris, à ce tumulte, les religieux s’enfuient sans savoir où, laissant leurs effets et leurs hardes à ces misérables, qui s’en saisirent, et s’en revêtirent sur-le-champ, mêlant ainsi l’appa- rence d’une mascarade aux horreurs d’une scène révoltante.

Cependant, à ces cris : «Du pain ! du pain ! » le procureur de la maison ordonna que l’on con- duisît ces messieurs par la basse-cour de la cui- sine, où l’on dressa sur-le-champ des tables aus- sitôt couvertes de pain, de viande et de vin à discrétion, les frères s’empressant tous de servir ces exécrables hôtes.

Après avoir assouvi leur faim et surtout leur soif, ils demandèrent s’il n’était pas possible de leur pro- curer des armes pour défendre la ville contre les en- nemis du tiers-état. Les misérables se qualifiaient ainsi d’un nom sous lequel on comprenait alors la nation entière, à l’exception des privilégiés, qui, pendant long-temps, se sont fait un plaisir absurde et lâche de confondre, dans une même dénomina- tion, les citoyens les plus honnêtes, les plus éclai- rés, les plus notables, avec les derniers des hommes, c’est-à-dire, les scélérats.

Les rehgieux de Saint-Lazare répondirent à ces prétendus vengeurs du tiers-état qu’il n’y avait point d’armes dans la maison, et qu’on pouvait s’en assurer par la visite de toutes les chambres. « Eh bien ! de l’argent ’ de l’aroent ! » fut le cri oé- néral de ces bandits. A ce cri, le supérieur et Je