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venu exclusivement un hommage à la splendeur du rang suprême, ou de ceux que la naissance en approche. Une adulation aussi absurde qu’avi- lissante supposait que leurs maladies, leurs in- fortunes, et surtout leur mort, étaient toujours des calamités publiques. Cinq semaines aupara- vant, le 4 juin, pendant la dernière maladie du dauphin, mort âgé de sept ans, les spectacles avaient été fermés; et, le ii juillet, on les fer- mait pour la retraite d’un citoyen cher au peuple. Ce rapprochement seul eut suffi pour irriter l’or- gueil de ceux qui croient que tout hommage public n’appartient qu’à la grandeur. La plupart détestaient dès long-temps M. Necker; et, lors de son renvoi après son premier ministère, sa chute avait été pour eux le sujet d’une joie révoltante et scandaleuse. On les avait vus alors venir étaler leur triomphe insolent dans les spectacles, dont le peuple les eut dès-lors chassés volontiers. Cette seconde fois, le 12 juillet 1789, ils y étaient ac- courus en foule et leur allégresse était encore plus grande. Ils connaissaient la destination de cette ar- mée dont on investissait la capitale ; ils croyaient voir bientôt le peuple, effrayé, asservi, retomber sous le joug qu’il venait de soulever un moment, et qui n’était pas encore brisé. Qu’on se représente leur indignation et leur rage, quand l’insurrection publique vint troubler le sentiment trompeur qu’ils avaient de leur victoire, et surtout leur in- timer l’ordre de sortir du spectacle ! Il fallut obéir