Page:Chamfort - Œuvres complètes éd. Auguis t1.djvu/99

Cette page n’a pas encore été corrigée

ce charme inexprimable de la facilité dans les ver- tus , partage des mœurs antiques , qui de vous , allant offrir à son ami l’hospice de sa maison , n’éprouverait l’émotion la plus douce , et même le transport de la joie , s’il en recevait cette réponse aussi attendrissante qu’inattendue : fj allais ? Ce mot si simple , cette expression si naïve d’un abandon sans réserve , est le plus digne hommage rendu à l’humanité généreuse ; et jamais bienfaiteur , digne de l’être , n’a reçu une si belle récompense de son bienfait.

Tel est l’image que mes faibles yeux ont pu saisir de ce grand homme , d’après ses ouvrages mêmes , plus encore que d’après une tradition ré- cente , mais qui , trop souvent infidèle , s’est plu, sur la foi de quelques plaisanteries de société , à montrer , comme un jeu bizarre de la nature , un homme qui en fut véritablement un prodige; qui offrit le singulier contraste d’un conteur trop Hbre et d’un excellent moraliste ; reçut en partage l’esprit le plus fin qui fut jamais , et devint en tout le modèle de la simplicité ; posséda le génie de l’observation , même de la satire , et ne passa jamais que pour un bon homme ; déroba , sous l’air d’une négligence quelquefois réelle , les arti- fices de la composition la plus savante ; fit ressem- bler l’art au naturel , souvent même à l’instinct ; cacha son génie par son génie même ; tourna au profit de son talent l’opposition de son esprit et de son âme , et fut , dans le siècle des grands