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senti le besoin de rendre son âme visible : c est le terme dont il se sert pour exprimer mi des attributs de la poésie. Voilà toute sa poétique à laquelle il parait avoir sacrifié tous les préceptes de la poétique ordinaire et de notre versification, dont ses écrits sont un modèle , souvent même parce qu’il en brave les règles. Eh ! le goût ne peut-il pas les enfreindre, comme féquité s’élève au-dessus des lois ?

Cependant La Fontaine était né poète, et cette partie de ses talens ne pouvait se développer dans les ouvrages dont il s’était occupé jusqu’alors. Il la cultivait par la lecture des modèles de l’Italie ancienne et moderne, par fétude de la nature et de ceux qui l’ont su peindre. Je ne dois point dissimuler le reproche fait à ce rare écrivain par le plus grand poète de nos jours, qui refuse ce titre de peintre à La Fontaine. Je sens , comme il convient, le poids d’une telle autorité; mais celui qui loue La Fontaine serait indigne d’admirer son critique, s’il ne se permettait d’observer que fauteur des fables, sans multipherces tableaux où le poète s’annonce à dessein comme peintre, n’a pas laissé d’en mériter le nom. Il peint rapidement et d’un trait : il peint par le mouvement de ses vers , par la variété de ses mesures et de ses repos , et surtout par l’harmonie imitative. Des figures vraies et frappantes , mais peu de bordure et point de cadre : voilà La Fontaine. Sa muse aimable et nonchalante rappelle ce riant tableau