DE CHAMFORT. /\3
Ici , messieurs, je rédaraffe pour La Fontaine rindulgence dont il a fait l'àme de sa morale ; et déjà l'auteur des fables a sans doute obtenu la grâce de l'auteur des contes : grâce que ses der- niers momens ont encore mieux sollicitée. Je le vois , dans son repentir , imitant en cjuelque sorte ce héros dont il fut estimé (i), qu'un peintre ingénieux nous représente déchirant de son his- toire le récit des exploits que sa vertu condam- nait ; et si le zèle d'une pieuse sévérité reprochait encore à La Fontaine ^une erreur qu'il a pleurée lui-même , j'observerais qu'elle prit sa source dans l'extrême simplicité de son caractère ; car c'est lui qui , plus que Boileau ,
Fît , sans être malin , ses plus grandes malices ; Boileau.
je remarquerais que les écrits de ce genre ne pas- sèrent long-temps que pour des jeux d'es])rit, des joyeusetês folâtres , comme le dit Rabelais dans un livre plus licencieux , devenu la lecture favo- rite 5 et publiquement avouée , des hommes les plus graves de la nation ; j'ajouterais que la reine de Navarre , princesse d'une conduite irrépro- chable et même de mœurs austères , publia des contes beaucoup plus libres, sinon par le fond, du moins par la forme , sans que la médisance
��(i) Le grand Condé.
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