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style, souvent par la situation, dans ses pièces privées de moralité ; ni Dancourt, soutenant par un dialogue vif, facile et gai, une intrigue agréable, quoique licencieuse gratuitement ; ni Dufresni, toujours plein d’esprit, philosophe dans les détails, très-peu dans l’ensemble, faisant sortir son comique ou du mélange de plusieurs caractères inférieurs, ou du jeu de deux passions contrariées l’une par l’autre dans le même personnage ; ni quelques auteurs célèbres par un ou deux bons ouvrages dans le genre où Molière en a tant donné : rien n’a dédommagé la nation, forcée enfin d’apprécier ce grand homme, en voyant sa place vacante pendant un siècle.

La trempe vigoureuse de son génie le mit sans effort au-dessus de deux genres qui ont depuis occupé la scène. L’un est le comique attendrissant, trop admiré, trop décrié ; genre inférieur qui n’est pas sans beauté, mais qui, se proposant de tracer des modèles de perfection, manque souvent de vraisemblance, et est peut-être sorti des bornes de l’art en voulant les reculer. L’autre est ce genre plus faible encore, qui, substituant à l’imitation éclairée de la nature, à cette vérité toujours intéressante, seul but de tous les beaux-arts, une imitation puérile, une vérité minutieuse, fait de la scène un miroir où se répètent froidement et sans choix les détails les plus frivoles ; exclut du théâtre ce bel assortiment de parties heureusement combinées, sans lequel il n’y a point de