Il est encore un point sur lequel il faut rendre justice à la proclamation, et qui prouve que, malgré soi, on se rapproche toujours un peu de la philosophie de son siècle : c’est que le gouvernement y raisonne avec le peuple, ou du moins, essaie de raisonner. Il s’efforce de prémunir les Brabançons contre cette fantaisie française, cette égalité chimérique, nulle dans le fait, et détruite, dans l’instant même où elle pourrait exister, par cette variété dont le Créateur imprime le caractère aux hommes, dès le moment de leur naissance, en les partageant inégalement en facultés morales, industrie, patience, etc. De cette inégalité naturelle et nécessaire (qui, dans l’état de nature, ne peut que produire les violences et les injustices dont la répression est le but de toute société politique), le philosophe, auteur de la proclamation, infère qu’il faut reporter et maintenir dans la société ce bienfait de la nature, cette inégalité précieuse ; et c’est à quoi sont merveilleusement propres les privilèges tyranniques, les avantages et les honneurs exclusifs affectés à de certaines classes ; sans compter les autres bons effets qu’elles produisent, comme le savent très-bien tous les privilégiés. Voilà comment le gouvernement raisonne avec le peuple brabançon.
Tout cela peut n’être que ridicule ; mais ce qui est affligeant pour l’humanité entière, c’est que, après la lecture de cette proclamation, il ne reste plus guère de doute sur la ligue des despotes