dans le monde, comme les Tartares regardent les villes, c’est-à-dire comme une prison : c’est un cercle où les idées se resserrent, se concentrent, en ôtant à l’âme et à l’esprit leur étendue et leur développement. Un homme qui a un grand état dans le monde, a une prison plus grande et plus ornée ; celui qui n’y a qu’un petit état, est dans un cachot ; l’homme sans état est le seul homme libre, pourvu qu’il soit dans l’aisance, ou du moins qu’il n’ait aucun besoin des hommes.
— L’homme le plus modeste, en vivant dans le monde, doit, s’il est pauvre, avoir un maintien très-assuré et une certaine aisance qui empêchent qu’on ne prenne quelque avantage sur lui. Il faut, dans ce cas, parer sa modestie de sa fierté.
— La faiblesse de caractère ou le défaut d’idées, en un mot, tout ce qui peut nous empêcher de vivre avec nous-mêmes, sont les choses qui préservent beaucoup de gens de la misanthropie.
— On est plus heureux dans la solitude que dans le monde. Cela ne viendrait-il pas de ce que, dans la solitude, on pense aux choses, et que, dans le monde, on est forcé de penser aux hommes ?
— Les pensées d’un solitaire, homme de sens, et fût-il d’ailleurs médiocre, seraient bien peu de chose, si elles ne valaient pas ce qui se dit et se fait dans le monde.
— Un homme qui s’obstine à ne laisser ployer ni sa raison, ni sa probité, ou du moins sa déli-