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on le ferait ; on vous ferait avaler cette pilule, et on vous dirait : « allez-vous en. »

— Il ne faut pas regarder Burrhus comme un homme vertueux absolument : il ne l’est qu’en opposition avec Narcisse. Sénèque et Burrhus sont les honnêtes gens d’un siècle où il n’y en avait pas.

— Quand on veut plaire dans le monde, il faut se résoudre à se laisser apprendre beaucoup de choses qu’on sait, par des gens qui les ignorent.

— Les hommes qu’on ne connaît qu’à moitié, on ne les connaît pas ; les choses qu’on ne sait qu’aux trois-quarts, on ne les sait pas du tout. Ces deux réflexions suffisent pour faire apprécier presque tous les discours qui se tiennent dans le monde.

— Dans un pays où tout le monde cherche à paraître, beaucoup de gens doivent croire, et croient en effet qu’il vaut mieux être banqueroutier que de n’être rien.

— La menace du rhume négligé est pour les médecins ce que le purgatoire est pour les prêtres, un Pérou.

— Les conversations ressemblent aux voyages qu’on fait sur l’eau : on s’écarte de la terre sans presque le sentir, et l’on ne s’aperçoit qu’on a quitté le bord que quand on est déjà bien loin.

— Un homme d’esprit prétendait, devant des millionnaires, qu’on pouvait être heureux avec deux mille écus de rente. Ils soutinrent le contraire avec aigreur, et même avec emportement.