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ques, dans les livres, même ceux qui ont pour objet de faire connaître la société, tout cela est faux ou insuffisant. On peut dire sur cela le mot italien per la predica, ou le mot latin ad populum phaleras. Ce qui est vrai, ce qui est instructif, c’est ce que la conscience d’un honnête homme qui a beaucoup vu et bien vu, dit à son ami au coin du feu : quelques-unes de ces conversations-là m’ont plus instruit que tous les livres et le commerce ordinaire de la société. C’est qu’elles me mettaient mieux sur la voie, et me faisaient réfléchir davantage.

— L’influence qu’exerce sur notre âme une idée morale, contrastante avec des objets physiques et matériels, se montre dans bien des occasions ; mais on ne la voit jamais mieux que quand le passage est rapide et imprévu. Promenez-vous sur le boulevard, le soir : vous voyez un jardin charmant, au bout duquel est un salon illuminé avec goût ; vous entrevoyez des groupes de jolies femmes, des bosquets, entr’autres une allée fuyante où vous entendez rire ; ce sont des nymphes ; vous en jugez par leur taille svelte, etc ; vous demandez quelle est cette femme, et on vous répond ; c’est madame de B…, la maîtresse de la maison : il se trouve par malheur que vous la connaissez, et le charme a disparu.

— Vous rencontrez le baron de Breteuil ; il vous entretient de ses bonnes fortunes, de ses amours grossières, etc. ; il finit par vous montrer le por-