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— Il y a certains défauts qui préservent de quelques vices épidémiques : comme on voit, dans un temps de peste, les malades de fièvre-quarte échapper à la contagion.

— Le grand malheur des passions n’est pas dans les tourmens qu’elles causent ; mais dans les fautes, dans les turpitudes qu’elles font commettre, et qui dégradent l’homme. Sans ces inconvéniens, elles auraient trop d’avantages sur la froide raison, qui ne rend point heureux. Les passions font vivre l’homme ; la sagesse les fait seulement durer.

— Un homme sans élévation ne saurait avoir de bonté ; il ne peut avoir que de la bonhomie.

— Il faudrait pouvoir unir les contraires : l’amour de la vertu avec l’indifférence pour l’opinion publique, le goût du travail avec l’indifférence pour la gloire, et le soin de sa santé avec l’indifférence pour la vie.

— Celui-là fait plus pour un hydropique, qui le guérit de sa soif, que celui qui lui donne un tonneau de vin. Appliquez cela aux richesses.

— Les méchans font quelquefois de bonnes actions. On dirait qu’ils veulent voir s’il est vrai que cela fasse autant de plaisir que le prétendent les honnêtes gens.

— Si Diogène vivait de nos jours, il faudrait que sa lanterne fût une lanterne sourde.

— Il faut convenir que, pour être heureux en vivant dans le monde, il y a des côtés de son âme qu’il faut entièrement paralyser.