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— Les fléaux physiques et les calamités de la nature humaine ont rendu la société nécessaire. La société a ajouté aux malheurs de la nature. Les inconvéniens de la société ont amené la nécessité du gouvernement, et le gouvernement ajoute aux malheurs de la société. Voilà l’histoire de la nature humaine.

— La fable de Tantale n’a presque jamais servi d’emblème qu’à l’avarice ; mais elle est, pour le moins, autant celui de l’ambition, de l’amour de la gloire, de presque toutes les passions.

— La nature, en faisant naître à la fois la raison et les passions, semble avoir voulu, par le second présent, aider l’homme à s’étourdir sur le mal qu’elle lui a fait par le premier ; et, en ne le laissant vivre que peu d’années après la perte de ses passions, semble prendre pitié de lui, en le délivrant bientôt d’une vie qui le réduisait à sa raison pour toute ressource.

— Toutes les passions sont exagératrices ; et elles ne sont des passions, que parce qu’elles exagèrent.

— Le philosophe qui veut éteindre ses passions, ressemble au chimiste qui voudrait éteindre son feu.

— Le premier des dons de la nature est cette force de raison qui vous élève au-dessus de vos propres passions et de vos faiblesses, et qui vous fait gouverner vos qualités même, vos talens et vos vertus.