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dans quel système physique, méthaphysique, ou, s’il le faut, mythologique, ira-t-il chercher la solution de ce problème ? Il réfléchit, il rêve, il est de bonne foi ; l’objection est spécieuse ; il en est ébranlé. Il a de l’esprit, des connaissances ; il va trouver le mot de l’énigme ; il l’a trouvé, il le tient ; la joie brille dans ses yeux. Silence. On connaît, dans la théorie persane, la doctrine des deux principes, celui du bien et celui du mal. Eh quoi ! vous ne saisissez pas ? Rien de plus simple. Le génie, les talens, les vertus, sont des inventions du mauvais principe d’Orimane, du Diable, pour mettre en évidence, pour produire au grand jour certains misérables, plébéiens reconnus, vrais roturiers, ou à peine gentilshommes.

— Combien de militaires distingués, combien d’officiers généraux sont morts, sans avoir transmis leurs noms à la postérité : en cela, moins heureux que Bucéphale, et même que le dogue espagnol Bérécillo, qui dévorait les Indiens de Saint-Domingue, et qui avait la paie de trois soldats !

— On souhaite la paresse d’un méchant et le silence d’un sot.

— Ce qui explique le mieux comment le malhonnête homme, et quelquefois même le sot, réussissent presque toujours mieux, dans le monde, que l’honnête homme et que l’homme d’esprit, à faire leur chemin : c’est que le malhonnête homme et le sot ont moins de peine à