Page:Chamfort - Œuvres complètes éd. Auguis t1.djvu/368

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

— Il semble que, d’après les idées reçues dans le monde et la décence sociale, il faut qu’un prêtre, un curé croie un peu pour n’être pas hypocrite, ne soit pas sûr de son fait pour n’être pas intolérant. Le grand-vicaire peut sourire à un propos contre la religion, l’évêque rire tout-à-fait, le cardinal y joindre son mot.

— La plupart des nobles rappellent leurs ancêtres, à peu près comme un Cicerone d’Italie rappelle Cicéron.

— J’ai lu, dans je ne sais quel voyageur, que certains sauvages de l’Afrique croient à l’immortalité de l’âme. Sans prétendre expliquer ce qu’elle devient, il la croient errante, après la mort, dans les broussailles qui environnent leurs bourgades, et la cherchent plusieurs matinées de suite. Ne la trouvant pas, ils abandonnent cette recherche, et n’y pensent plus. C’est à peu près ce que nos philosophes ont fait, et avaient de meilleur à faire.

— Il faut qu’un honnête homme ait l’estime publique sans y avoir pensé, et, pour ainsi dire, malgré lui. Celui qui l’a cherchée, donne sa mesure.

— C’est une belle allégorie, dans la Bible, que cet arbre de la science du bien et du mal qui produit la mort. Cet emblème ne veut-il pas dire que, lorsqu’on a pénétré le fond des choses, la perte des illusions amène la mort de l’âme, c’est-à-dire, un désintéressement complet sur tout ce qui touche et occupe les autres hommes ?