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haite de voir passer, dans les rues, des singes ou des meneurs d’ours.

Exemple de M. Thomas, insulté pendant toute sa vie et loué après sa mort.

Gentilshommes de la chambre, comédiens, censeurs, la police, Beaumarchais.

C’est que j’ai peur de mourir sans avoir vécu.

C’est que tout ce qu’on me dit pour m’engager à me produire, est bon à dire à Saint-Ange ou à Murville.

C’est que j’ai à travailler, et que les succès perdent du temps.

C’est que je ne voudrais pas faire comme les gens de lettres, qui ressemblent à des ânes, ruant et se battant devant un râtelier vide.

C’est que, si j’avais donné à mesure les bagatelles dont je pouvais disposer, il n’y aurait plus pour moi de repos sur la terre.

C’est que j’aime mieux l’estime des honnêtes gens et mon bonheur particulier, que quelques éloges, quelques écus, avec beaucoup d’injures et de calomnies.

C’est que, s’il y a un homme sur la terre qui ait le droit de vivre pour lui, c’est moi, après les méchancetés qu’on m’a faites à chaque succès que j’ai obtenu.

C’est que jamais, comme dit Bacon, on n’a vu marcher ensemble la gloire et le repos.

Parce que le public ne s’intéresse qu’aux succès qu’il n’estime pas.