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seul moyen plusieurs effets tous préparés et non prévus, jusqu’à ce qu’enfin le dénouement décèle par ses résultats une utilité morale, et laisse voir le philosophe caché derrière le poète. Que ne puis-je montrer l’application de ces principes à toutes les comédies de Molière ! On verrait quel artifice particulier a présidé à chacun de ses ouvrages ; avec quelle hardiesse il élève dans les premières scènes son comique au plus haut degré, et présente aux spectateurs un vaste lointain, comme dans l’École des femmes ; comment il se contente quelquefois d’une intrigue simple afin de ne laisser paraître que les caractères, comme dans le Misanthrope ; avec quelle adresse il prend son comique dans les rôles accessoires, ne pouvant le faire naître du rôle principal ; c’est l’artifice du Tartuffe ; avec quel art un seul personnage, presque détaché de la scène, mais animant tout le tableau, forme par un contraste piquant les groupes inimitables du Misanthrope et des Femmes savantes ; avec quelle différence il traite le comique noble et le comique bourgeois, et le parti qu’il tire de leur mélange dans le Bourgeois Gentilhomme ; dans quel moment il offre ses personnages au spectateur, nous montrant Harpagon dans le plus beau moment de sa vie, le jour qu’il marie ses enfans, qu’il se marie lui-même, le jour qu’il donne à dîner. Enfin on verrait chaque pièce présenter des résultats intéressans sur ce grand art, ouvrir toutes les sources