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DE CHAMFORT. 295

cumuler sur son héros toutes les vertus et tous les avantages que la nature et la fortune n'ont ja- mais réunis dans un seul homme.

Quelques auteurs célèbres , las de voir, dans la plupart des caractères , une empreinte roma- nesque , se sont avisés d'avilir tout à coup un per- sonnage qu'ils avaient rendu intéressant par la réunion des sentimens les plus délicats. Ils se fondent sur ce que nul n'est parfait dans la na- ture, et qu'il faut, en présentant aux lecteurs de grands écarts ainsi que de grandes vertus , lui per- suader qu'il ne lit point un roman. On répond que l'art consiste* à obtenir cet effet, sans em- ployer de pareils moyens. Un grand intérêt pris fortement dans nos mœurs véritables , quelques taches volontairement répandues dans les carac- tères principaux , quelques circonstances com- munes dans les événemens , soutiendront parfai- tement l'illusion. Le poète et le romancier doivent imiter , en ce point , l'artifice de ces menteurs adroits , qui assurent la croyance à leurs récits , en y mêlant des détails frivoles. Au reste , le peu d'effet qu'ont produit ces ressorts dans des mains habiles et vigoureuses, empêchera, sans doute , que des mains plus faibles osent jamais essayer de s'en servir.

Si l'idée de grandeur que nous attachons à notre nature , est une source d'intérêt , le sentiment de notre faiblesse contre certains coups de la for- tune , le besoin d'appui et de consolation en

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