Page:Chamfort - Œuvres complètes éd. Auguis t1.djvu/296

Cette page n’a pas encore été corrigée

0.12 OEUVRES

Et d'abord , laissant à part cette affiche , ce con- cours périodique, ce programme d'un prix de vertu powr l'année prochaine, je lis les termes de la fondation, et je vois ce prix destiné aux vertus des citoyens dans la classe indigente. Quoi donc ! qu'est-ce àdire? La classe opulente a-t-elle relégué la vertu dansla classe des pauvres?Non,sans doute. Elle prétend bien, comme l'autre , pouvoir foire éclater des vertus ; elle ne veut donc pas du prix! Non, certes : ce prix est de i'or ; le riche, en l'acceptant, se croirait avili. J'entends: il n'y en a point assez ; il ne le prendrait pas. Le riche l'ose dire ! Et pourquoi ne le prendrait-il pas ? le pauvre le prend bien! Payez-vous la vertu? ou bien l'ho- norez-vous ? Vous ne la payez pas: ce n'est ni votre prétention, ni votre espérance. Vous l'ho- norez donc ! eh bien ! commencez par ne pas l'a- vilir, en mettant la richesse au-dessus de la ^ertu indigente.

O renversement de toutes les idées morales, né de l'excès de la corruption publique et fait pour l'accroître encore! Mesurons de l'œil l'abîme dont nous sortons: dans quel corps, dans quelle com- pagnie eût-il été admis le ci-devant gentilhomme qui eût accepté le prix de vertu dans une assem- blée pubhquePIl y avait, parmi nous, la roture de la vertu! Retirez donc votre or, qui ne peut ré- compenser une belle action du riche. Rendez à la vertu cet honnnage, de croire que le pauvre aussi peut être pavé jjar elle ; qu'il a, comme le riche ,

�� �