Page:Chamfort - Œuvres complètes éd. Auguis t1.djvu/243

Cette page n’a pas encore été corrigée

DE CHA3IFOPT. 219

à avilir ses sujets , qui font sa gloire et sa puis- sance ; à briser sans pitié tous les ressorts de l'honneur et de la vertu , et à mutiler, pour ainsi dire , l'âme humaine , pour régner ensuite tris- tement sur ses restes défigurés? Non: il n'y a que le génie qui puisse, sans convulsion et sans dou- leur, rapprocher, réunir les membres séparés du corps politique. C'est par lui que le sceptre de- viendra , dans vos mains , un levier d'une force infinie , avec lequel vous pourrez soulever une nation entière ; renverser en peu de temps , dans les volontés de plusieurs millions d'hommes , l'é- difice raitique de leurs préjugés ; et détruire jus- qu'aux senîimens qui semblaient ne pouvoir être anéantis qu'avec l'homme. Mais si la nature , pour un trône qu'elle vous donne , vous a refusé le génie , osez du moins le chercher dans ceux de vos sujets qui ont reçu d'elle ce partage sublime ; achetez d'eux , par des honneurs .légitimes , cet instrument puissant de la souveraineté ; encou- ragez , favorisez, dans les grands écrivains, son in- fluence bienfaisante sur l'esprit de vos peuples. Vous avez raison d'écarter de leurs mains les écrits dangereux c[ui peuvent corrompre l'homme et le citoyen : pour remplir la seconde partie de vos devoirs , multipliez dans leurs mains ceux qui éclairent et ennoblissent l'homme et le citoyen. Faites servir votre force à protéger le génie qui doit l'augmenter ; délivrez des fureurs de l'envie et du préjugé barbare ces législateurs paisibles de

�� �