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il faut souvent les cueillir sur un terrain couvert de ronces et d'épines , le poète comique arrache ou écarte ces ronces. C'est ce qu'a fait îMolière parmi nous. Il a purgé le champ de la socié té des insectes incommodes qui l'infectaient. Que de ser- vices n'aurait-il pas rendus à la France, si la mort n'eut interrompu le cours de ses travaux ? que de fausses notions, que d'opinions absurdes et popu- laires n'aurait-il pas détruites? de combien de pré- jugés épidémiques ne nous eût-il pas guéris ? Il aurait corrigé les grands sans négliger le peuple. Le théâtre , chez une nation policée , doit res- sembler à ces pharmacies complètes où , auprès d'une composition précieuse , destinée à l'usage des citoyens opidens , se trouvent ces spécifiques vidi^aires que la générosité daigne consacrer aux maladies de l'indigence. Qu'il serait à souhaiter que les grands écrivains n'eussent jamais employé leurs talens qu'au profit de la société! Mais sou- vent , au lieu d'adoucir les mœurs , ils les ont affaiblies ; et d'habiles tyrans ont fait servir quel- quefois l'homme de génie à leurs desseins secrets, et l'ont rendu complice de leur tyrannie.
L'univers se repose et se corrompt sous Au- gustes , qui ferme à la fois le temple de la guerre et celui de la liberté romaine. (Jaton , Cassius , r>rulus ont expiré avec elle ; mais leurs ombres ciraient encore devant l'imagination des Komains. Il fallait étouffer les senti mens qui auraient pu reproduire les âmes républicaines. Le maître du
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