Dt CHAMFORT. 20 1
l'homme et sa raison dégénérée : semblables à ces astres qui descendent près de notre sphère après une longue révolution de siècles; qui, dérobant à la vue le point d'où ils sont partis, raniment, dit-on, la vigueur des mondes et rajeunissent la nature; mais, après que la nature s'est plue à s'é- puiser pour former ces masses étonnantes de lumière, elle semble se reposer ensuite, et laisse tomber de sa main , sans autre dessein que la pro- fusion, la multitude des hommes, comme une foule d'atomes intelligens , destinés à être agitas , entraînés dans la sphère d'activité des autres. La grande portion du genre humain reste comme abandonnée , sous la main de ceux qui sauiont s'en servir pour la gouverner ; elle ne reçoit que la portion d'intelligence nécessaire pour obéir à ses maîtres. *
Deux forces souveraines commandent à l'es- pèce humaine, et règlent partout les destinées: le pouvoir et le génie. Assis sur un trône, tenant d'une main le livre des lois, et de l'autre le glaive de la force, le pouvoir préside aux grandes révo- lutions ; il subjugue les hommes par les hommes ; il maîtrise , par les forces qui lui sont confiées , les forces qui lui résistent. Il dispose de la forme extérieure des sociétés , qu'il varie à son gré. Les passions vulgaires environnent son trône et sont à ses ordres. Maître des biens et des personnes ' il contient l'homme par ses besoins et par ses désirs ; il rencbaine encore par l'horreur de sa
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