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DE CHAMFORT. l45

V. 16. Mon frère a-t-il tout ce qu'il veut, - _ Bon souper , bon gîfe, et le reste ?

Quelle grâce, quelle finesse sous-entendues dans ce petit mot et le reste , caché comme négligemment au bout du vers ?

Tout le morceau de la fin , depuis amans , heureux amans , est , s'il est possible , d'mie perfection plus grande. C'est l'éuanchement d'ime àme tendie , trop pleine de sentimens affectueux , et qui le» répand avec une abondance qui la soulage. Quels souvenirs et quelle expression dans le regret qui les accouipagne ! On a souvent imité ce morceau , et même avec succès , parce que les sentimens qu'il exprime sont cachés au fond de tous les cœurs , mais on. n'a pu sur- passer ni peut-être égaler La Fontaine,

Lamotte , qui a fait un examen détaillé de cette fable , dit qu'un ne sait quelle est l'idée qui domine dans cet Apologue , ou des dan- gers du voyage , ou de l'inquiétude de l'amitié , ou du plaisir du retour après l'absence. Si au contraire , dit-il , le j)igeon voyageur n'eût pas essuyé de dangers , mais qu'il eût trouvé les plaisir s insi • pides loin de son ami , et qu'il eût été j ap[)elé près de lui par le seul besoin de le revoir , tout m'aurait ramené à cette seule idée , que la présence d'im ami est le plus doux des plaisirs. Cette ciitique de Lamotte n'est peut-être pas sans fondement ; mais que dire contre un poète qui , par le charme de sa sensibilité , touche , pénètre , at- tendrit votre cœur , au point de vous faire illusion sur ses fautes , et qui sait plaire même par elles ? On est presque tenté de s'éton- ner que Lamotte ail perdu, à critiquer cette fable, un temps qu'il pou\ait employer à la relire.

F\BLK III. ,

V, 1. Le singe avec le léopard.

Voilà encore luie de ces fables qui ne pouvaient guère réussir que dans les mains de La Fontaine. Le sujet , si mince , prend tout de suite de l'agrément , et en quelque sorte im intérêt de curiosité, par l'idée de donner aux discours des personnages la forme et le ton des charlatans de la foLe. C'est par-là qu'il fait passer ce propos populaire, arrive en triais bateaux ; on pardonne ce trait en faveur d« 

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