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Mon esprit les suivit : en quels lieux s’en vont-elles ?
Existe-t-il là-bas tant de terres nouvelles,
Tant d’herbe et de forêts, tant de soyeux gazons,
Tant d’ombrages épais sous d’autres horizons,
Tant d’attraits inconnus, que ces bêtes ardentes
À la blancheur de neige, aux croupes frémissantes,
Quittent ces lieux connus pour le sombre incertain ?
Soudain me retournant, j’ai vu, dans le lointain
Du ciel oriental, une immense nuée
Comme d’un vent terrible en tous sens remuée,
Une voix en sortit, dont la terre trembla,
Et cette voix disait : « Dieu t’envoie, Attila !
« Suis le cours du soleil sur la terre et sur l’onde,
« Guidé par mon pouvoir, et va venger le monde !…
« Et si l’on veut savoir ton nom en quelque lieu,
« Je te le donne ici : marche, Fléau de Dieu ! »
Alors, j’ai rassemblé mes hommes forts et bruns,
Et j’ai dit : « Nous partons ! » Ils m’ont suivi, mes Huns,
Suivi jusqu’à la fin… J’ai pris la Germanie,
L’Helvétie et la Gaule, et vaincu l’Italie.
L’air était obscurci lorsque j’avais passé,
Et quand mon cheval noir, Henner, l’avait froissé,
Le champ ne produisait plus d’herbe, et bien longtemps
On nomma mon chemin « chemin des ossements ».

Charles-Quint souriait dans sa barbe argentée…