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Il faut que l’ange triste eût du bout de son aile
Déjà mis sur leur front ses présages vainqueurs,
Que le premier signal de sa voix solennelle
Fût déjà parvenu jusqu’au fond de leurs cœurs ;

Qu’ils eussent pressenti la tombe inévitable
Ouvrant son antre noir pour le clore sur eux,
Sans pouvoir retenir en son sein redoutable
L’âme, faite pour l’air et les espaces bleus.

Il faut que leurs regards, à ce moment austère,
Eussent connu déjà l’avenir éternel,
Que leur âme déjà fût bien loin de la terre,
Égarée au milieu des inconnus du ciel.

Mais bien d’autres, hélas ! ont disparu dans l’ombre,
Enfermant avec eux dans leur tombeau glacé
Leurs espoirs, leurs désirs, leur passé clair ou sombre,
Tout ce qu’ils ont souffert, tout ce qu’ils ont pensé.

De ces âmes la terre était peut-être indigne,
Et leur luth trop suave et trop harmonieux,
Ne pouvant ici-bas dire son chant du cygne,
Est allé quelque jour le chanter dans les cieux.

Mystère impénétrable à la douleur profonde !
L’être créé ne touche à la perfection