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Sans transports insensés, sans tristesses amères,
Sans mornes désespoirs, comme sans vifs plaisirs.

Il est heureux pourtant, heureux… et je l’envie,
Et quand les paysans, le soir, causent entre eux,
Je les entends de loin, et j’admire la vie
De ces hommes obscurs, mais forts et valeureux.

Dans leur franche rudesse et dans leur ignorance,
Dans la sainte fatigue infligée à leur corps,
Ils ne connaissent pas l’indicible souffrance
De l’esprit qui s’épuise en stériles efforts.

Asservis à la vie humble et matérielle,
Ils n’ont pas le désir d’échapper à ses lois ;
Ils ne se doutent pas que leur âme a son aile…
L’idéal les appelle, ils ignorent sa voix.

Ainsi les compagnons d’un héros de la Grèce,
Rendus sourds aux appels des nymphes de la mer,
Passèrent sans ouïr leur voix enchanteresse
Qui montait séduisante et divine dans l’air ;