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Tandis qu’autour de moi les grandes sauterelles,
En étoilant le sol du reflet de leurs ailes,
Volaient avec un bruit étrange et continu.

Puis, lasse de songer si longtemps sans rien faire,
Je cherchais quelque jeu qui pût me satisfaire :
Sur les flots clairs et purs comme des cristaux bleus,
Je faisais naviguer une flotte tremblante
De barques en papier, et l’onde scintillante
Les portait doucement au loin vers d’autres lieux.

Et, souvent, sur le pont du navire fragile
J’écrivais, d’une main encor bien inhabile,
Quelques mots enfantins, et posais quelques fleurs
Sur l’arrière incliné des mignonnes nacelles,
— Pesantes cargaisons pour leurs coques si frêles —
Puis, les voyant partir, j’essuyais quelques pleurs.

Mes regards les suivaient sur l’ondoyante plaine :
Je pensais que bien loin, sur la terre lointaine
Où mes pauvres bateaux aborderaient un jour,
Ils trouveraient quelqu’un sur le nouveau rivage,
Qui se demanderait d’où venait ce message,
Et, qui sait ? m’enverrait une flotte à son tour !