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Elles s’en vont par bande à travers la bruine,
Parfois rasant la plaine ou montant jusqu’aux cieux,
Troupe folle d’oiseaux que l’inconnu fascine,
Et que guide au hasard son vol capricieux.

Mais quelqu’une parfois, déchirée et lassée,
Ne pouvant soutenir sa course plus longtemps,
Se laisse retomber sur la terre glacée
Qui lui semblait si belle et si verte au printemps.

Puis c’est une seconde, aussi pâle et flétrie,
Qui vient toucher le sol en un long tournoîment,
Comme un ramier, trahi par son aile meurtrie,
Sur le chemin désert s’abat languissamment.

Bientôt, s’amoncelant, elles couvrent la plaine ;
Sur leurs restes l’hiver jette son blanc manteau,
Et, du souffle glacé de sa puissante haleine,
Il leur fait un immense et tranquille tombeau…

Hélas ! et c’est ainsi que durant notre vie
S’effeuille l’arbre vert de nos illusions:
Une première feuille est d’une autre suivie,
Puis leur nombre s’accroît et devient légions;